Clément Tanguay
Grand gaillard mesurant presque six pieds, plutôt maigre, Clément était la risée de tout le monde. Il était exubérant en gestes et en paroles saluant tout le monde avec ses grands bras et riant tout le temps. C’était «un bon Jack», comme on dirait, et sans malice. Il se trouvait quelques ouvrages ici et là et parvenait à vivre.
Il arriva que Clément se maria avec une donzelle dont la vertu était plutôt ébréchée. Elle avait fait parler d’elle depuis longtemps et à un moment donné, se trouvant enceinte, ne trouva rien de mieux que de proposer mariage à Clément qui ne demandait pas mieux. Il se trouva à devenir le père de l’enfant, toujours convaincu que c’était sa progéniture.
Pas besoin de dire que la belle ne se contenta pas de son Clément pour assouvir sa concupiscence. Elle continua à retrousser son jupon pendant que Clément gardait le petit.
Il commençait cependant à se douter de quelque chose.
Il arriva donc que Maria tomba enceinte une deuxième fois. Clément n’était pas de bonne humeur et eut des doutes sérieux sur sa paternité.
Je fus appelé à faire l’accouchement à domicile. J’étais seul avec le mari. Je devais donc donner l’anesthésie. Clément se tenait à la tête du lit avec une hache, il était devenu malin. Il me disait: «Si le petit ne me ressemble pas, elle va payer ça cher.» J’étais moins que rassuré. L’accouchement se fit bien et dès que l’enfant fut mis au monde, il me fallut persuader Clément que l’enfant lui ressemblait comme deux gouttes d’eau. Je dus être bien persuasif puisque Clément fut convaincu. Moi, j’étais loin de l’être!
L’année suivante, mon Clément fut interné pour débilité mentale à Beauport où il doit être encore aujourd’hui, s’il n’est pas mort.